Pesticides en Wallonie : Etat des lieux et perspectives
Ce mardi, le Ministre de l’Environnement Carlo DI ANTONIO et l’Institut Scientifique de Service Public ont présenté un état des lieux de la législation et des études en cours en matière de pesticides en Wallonie.
– Quelle est la situation et les mesures prises en Wallonie ?
Que cela soit en milieu urbain ou rural, la population wallonne est exposée aux produits phytopharmaceutiques et singulièrement aux herbicides et fongicides.
Une exposition qui a des conséquences nuisibles sur notre qualité de vie, notre santé, notre alimentation et l’attractivité de notre territoire. Nos ressources naturelles (air, sol, eau) et notre biodiversité sont elles aussi impactées.
Si un changement de modèle de production et de consommation constitue la solution durable à cette situation au niveau agricole et alimentaire, il convient de prendre des mesures visant à nous préserver ainsi que nos ressources. En ce qui concerne les particuliers, les entreprises et les pouvoirs publics, l’arrêt de l’usage de pesticides constitue une priorité
Des moyens importants sont consacrés à l’accompagnement de cette évolution dans le cadre du second Plan wallon de Réduction des Pesticides. Les particuliers et les gestionnaires d’espace public peuvent bénéficier des conseils et du support de l’association Adalia 2.0 (www.adalia.be).
En Wallonie, sous l’impulsion du Ministre de l’Environnement Carlo DI ANTONIO, les mesures prises en matière de produits phytopharmaceutiques vont dans le sens d’une réduction drastique ou d’interdiction de l’usage de ce type de produits en application du principe de précaution.
Pour le Ministre, la Wallonie doit avoir l’ambition d’évoluer vers un territoire sans pesticides, gage d’une qualité de vie pour l’ensembles des wallons mais aussi d’une attractivité pour notre territoire.
FOCUS sur 3 mesures fortes récemment entrées en vigueur
1. Protection des riverains des parcelles agricole
Ce 28 septembre, de nouvelles mesures visant à réduire l’impact des pesticides sur le territoire wallon, et particulièrement sur les riverains des parcelles agricoles, sont entrées en vigueur :
- Interdiction de débuter une pulvérisation lorsque la vitesse du vent est supérieure à 20 km/heure. En effet, une fois dans l’air, les pesticides gazeux peuvent être transportés à plus ou moins longue distance, en fonction des conditions d’application et de la météo.
- Interdiction de pulvériser à moins de 50 mètres des bords de toute parcelle qui jouxte un site d’établissement (cours de récréation, écoles, internats, crèches et infrastructures d’accueil de l’enfance) durant les heures de fréquentation de celui-ci
- Obligation d’utiliser, sur tout le territoire wallon, un matériel d’application qui réduit la dérive de minimum 50%.
2. Glyphosate et néonicotinoïdes
Deux mesures d’interdiction portant sur ces produits sont entrées en vigueur en Wallonie :
- L’utilisation des pesticides contenant des néonicotinoïdes depuis juin 2018
- L’usage du glyphosate par des utilisateurs non formés depuis mars 2017
3. Protection des publics vulnérables
L’application de produits phytopharmaceutiques est interdite depuis le 1er juin 2018 dans les parties des parcs, des jardins, des espaces verts et des terrains de sport et de loisirs auxquelles ont accès le public.
Afin de protéger les publics vulnérables, il est désormais interdit d’utiliser des pesticides dans :
- Les cours de récréation et espaces fréquentés par les élèves dans l’enceinte des établissements scolaires et des internats.
- Les espaces fréquentés par les enfants dans l’enceinte des crèches, des infrastructures d’accueil de l’enfance.
- Les aires de jeux destinées aux enfants ouvertes au public.
- Les aires aménagées pour la consommation de boissons et de nourriture ouvertes au public.
- Les centres hospitaliers et hôpitaux, les établissements de santé privés, les maisons de santé, les maisons de réadaptation fonctionnelle.
- Les établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées, des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave.
– Comment interpréter les résultats de l’étude Expopesten ?
Ce mardi, l’ISSeP est revenu sur les résultats d’EXPOPESTEN, première étude à évaluer la présence de plusieurs pesticides dans l’air ambiant en Wallonie. Au total, 46 pesticides différents ont été analysés tout au long d’une année dans 12 localités. Le choix des localités a été réalisé de manière à couvrir différents environnements représentatifs des lieux de vie de la majorité des wallons.
OBSERVATIONS : Substances mesurées, localisation et fréquence
Sur les 46 substances actives recherchées, ce sont essentiellement des herbicides et des fongicides qui ont été retrouvés.
33 substances ont pu être mesurées dans au moins 1 échantillon, 4 substances n’ont jamais été détectées et 9 ont été détectées dans au moins 1 échantillon dans l’air, à une concentration inférieure à la limite de quantification.
Il apparaît que les doses respirées sont plus intenses dans les localités agricoles et au printemps, d’avril à juin, lorsque nous passons proportionnellement plus de temps à l’extérieur. L’exposition aux pesticides extérieurs est quasi nulle en hiver.
Les fréquences de détection des pesticides sont par ailleurs liées à leur utilisation au cours de l’année.
Les fongicides n’ont été mesurés qu’au printemps et en été, alors que deux pics de concentrations d’herbicides ont été observés au printemps, en été et en automne. Ces principales périodes de détection des herbicides concordent avec leurs utilisations pour le désherbage sur plusieurs cultures différentes au printemps, en été et sur les champs de céréales d’hiver en automne. En revanche, les insecticides ont été détectés tout au long de l’année.
L’EXPOSITION DES ENFANTS
Le second volet de l’étude EXPOPESTEN s’est concentré sur l’impact de la zone de vie sur l’exposition des enfants aux pesticides, notamment via la recherche de biomarqueurs dans l’urine. Il s’agit de la première étude visant à évaluer l’exposition des enfants aux pesticides en Wallonie.
31 composés ont été analysés. 6 d’entre eux ont été mesurés dans les échantillons d’urine, à l’instar de métabolites. Certains métabolites ont été détectés chez 100% des enfants.
– En quoi consiste l’étude Propulppp actuellement en cours?
Si les concentrations mesurées dans l’étude EXPOPESTEN constituent des données initiales de l’exposition aux pesticides en Wallonie, il était indispensable de les consolider et de valider scientifiquement les manières les plus efficaces de réduire cette exposition.
C’est pour ces raisons que le Ministre DI ANTONIO a confié à l’ISSeP, en collaboration avec le CRA-W et Gembloux AgroBioTech, une nouvelle étude à l’échelle de la Wallonie.
Cette étude PROPULPPP, qui a débuté en ce début d’année 2018, a pour but :
- De mesurer l’exposition des citoyens wallons aux pulvérisations de produits phytopharmaceutiques.
- De recommander des mesures de protection destinées à la limiter en bordures des champs traités.
Méthodologie
Depuis plusieurs semaines, des capteurs d’air et de projection sont installés en bordure de champs, dans des cours d’écoles ou autres sites publics à proximité de champs. Ils sont placés à différentes distances, derrière des barrières physiques, lors de différentes conditions climatiques… afin de tenir compte du maximum de cas de figure.
Les localisations des capteurs sont tenues confidentielles de manière à éviter tout sabotage de la campagne de mesure.
Objectifs poursuivis
- Evaluer l’exposition aux pesticides des populations riveraines de champs cultivés dans les 24h qui suivent le début de l’épandage et dans les jours qui suivent.
- Evaluer la manière dont l’exposition varie en fonction de l’éloignement par rapport à la source.
- Evaluer l’influence de paramètres agronomiques et de la présence d’une barrière physique sur la contamination des zones en bordure de champs.
- Vérifier si le modèle prédictif de l’exposition des « résidents », employé lors de l’agrément des substances, permet de couvrir raisonnablement le risque « riverains » et si ce modèle convient pour estimer certains paramètres de protection des riverains contre les dérives de pulvérisation.
Le rapport final rédigé par l’ISSeP en collaboration avec le CRA-W, la DGO3, l’ULiège sera publié dans le courant de l’année 2019.
– Quelles sont les mesures prévues à l’échelle wallonne ?
Au-delà d’objectiver l’exposition de la population aux pulvérisations de produits phytopharmaceutiques en Wallonie, l’étude Propulppp vise à recommander des mesures de protection destinées à la limiter en bordure des champs traités. Le Gouvernement wallon s’est engagé à réviser ces mesures de précaution sur base de ces conclusions.
Outre les mesures réglementaires adoptées, une charte régionale de bonnes pratiques d’utilisation de produits phytopharmaceutiques sera également mise en place, en collaboration avec le secteur agricole.
L’objectif de cette double approche, en adéquation avec le second Plan wallon de Réduction des Pesticides, approuvé par le Gouvernement wallon le 29 mars 2018, est à la fois d’assurer la mise en place de mesures obligatoires pour supprimer des pratiques non acceptables au regard des connaissances et des pratiques agronomiques actuelles, et d’encourager la démarche volontariste du secteur agricole dans la réduction de l’usage des pesticides.
Un biomonitoring appelé BIOPEST sera également mené d’ici 2020 pour obtenir des données de référence sur l’exposition aux pesticides de la population générale et de publics cibles, à savoir les agriculteurs.
Cette méthode consistera à mesurer l’imprégnation aux substances en dosant leurs concentrations ou celles de leurs métabolites dans des matrices biologiques humaines, à savoir via le sang et l’urine. Le biomonitoring, qui permet de prendre en compte toutes les sources d’exposition, apparait de plus en plus comme un outil essentiel pour évaluer l’exposition humaine aux substances ubiquistes présentes dans l’environnement.
L’acquisition de données de référence sur l’exposition interne permettra notamment:
- D’étudier l’évolution de l’exposition des wallons aux pesticides dans le temps et dans l’espace.
- D’établir un référentiel auquel pourra être comparée l’exposition au niveau de zones géographiques de type « hot spot », liée à des comportements « à risques » ou de populations vulnérables (nouveaux nés, adolescents, agriculteurs, etc).
- D’évaluer l’efficacité de mesures de prévention.
- De déterminer si l’exposition aux pesticides en Wallonie est similaire ou différente de l’exposition dans les autres pays européens et dans les pays de niveau socioéconomique similaire.
L’ISSeP pilotera ce projet en partenariat avec le Service public de Wallonie, le CRA-W, le Comité Régional Phyto, PreventAgri et l’Université de Liège.
CONTACTS PRESSE :
Marie MINET, Porte-parole du Ministre DI ANTONIO – 0479/888.475
Sophie SLEYPENN – Responsable communication, ISSeP – 04 229 83 49