Étude sur la pertinence et l’impact estimé de la mise en oeuvre de Zones Basses Emissions (ZBE) communales à Namur et à Eupen

Dans le cadre du plan Environnement-Santé de la Wallonie, l’ISSeP a été chargé d’estimer l’impact environnemental de l’instauration de zones basses émissions communales en combinant des mesures de concentrations en polluants in situ avec une modélisation de la qualité de l’air à l’échelle communale. Les communes de Namur et d’Eupen ont servi de villes pilotes pour cette étude dont le rapport est aujourd’hui finalisé.

Afin d’améliorer la qualité de l’air, le Parlement wallon a adopté en janvier 2019 un décret relatif à la lutte contre la pollution atmosphérique liée à la circulation des véhicules (http://environnement.wallonie.be/legis/air/air084.html). Ce décret prévoit l’interdiction progressive des véhicules les plus polluants à partir de 2023 sur tout le territoire wallon et la possibilité pour les communes d’instaurer des zones basses émissions (ZBE) sur leur territoire dès 2020.

À l’intérieur d’une Zone de basses émissions communale, l’accès aux véhicules les plus polluants serait progressivement interdit en fonction du type de motorisation (moteur diesel, moteur à essence…) et de la norme européenne d’émissions (règlement de l’Union européenne qui fixe les limites maximales de rejets polluants pour les véhicules roulants neufs).

À partir de données provenant du trafic et de facteurs d’émissions spécifiques à chaque catégorie de véhicules et à leur mode de conduite, des émissions polluantes ont été affectées à chaque tronçon routier des communes de Namur et d’Eupen. Des comptages ont également été réalisés par l’ISSeP afin de compléter les données communales et régionales existantes.

Ces émissions ont servi à alimenter le modèle de dispersion atmosphérique ATMO-Street qui permet de simuler la dispersion des polluants à partir de leurs principales sources d’émissions que sont les industries et le réseau routier. Les concentrations en polluants sont ensuite calculées en différents points du territoire étudié et ensuite interpolées (projetées par calcul) pour l’ensemble de la zone. Le modèle tient compte de la configuration géographique des lieux (hauteur du bâti) et des conditions atmosphériques (vent, température…), pouvant engendrer une mauvaise dispersion et donc localement une accumulation des polluants par un « effet canyon ».

Une cartographie à haute résolution (⁓10 mètres) de la qualité de l’air à Namur et à Eupen a été réalisée avec ce modèle. Elle reprend les concentrations en dioxyde d’azote (NO2), particules fines (PM10 et PM2.5) et carbone noir ou carbone suie (en anglais black carbon, BC) ainsi que les projections de l’impact d’une ZBE sur les niveaux de pollution. Ces projections intègrent les réductions des émissions attendues par rapport au calendrier des interdictions progressives, d’ores et déjà prévues dans le décret.

Tant à Namur qu’à Eupen, les projections du modèle ATMO-Street montrent des résultats mitigés. Les réductions attendues sont faibles pour deux polluants pour lesquels il existe des normes à respecter : le dioxyde d’azote (jusqu’à 26 % de réduction en 2025) et les particules fines (pas plus de 10 % de diminution en 2025). Par contre, une zone de basses émissions communale aurait un impact important sur les concentrations d’un polluant pour lequel il n’existe pas encore de norme, le carbone noir, étroitement lié au trafic routier. Pour le carbone noir, les diminutions de concentrations à Namur pourraient atteindre 60 % d’ici 2025 par rapport aux niveaux de concentrations en 2018.

A Eupen, vu la taille de l’agglomération, l’instauration d’une zone de basses émissions communale serait non pertinente car les concentrations ne sont réellement critiques qu’en périphérie du centre-ville aux heures de pointe du matin et du soir.

À Namur, consciente des résultats de l’étude, la Ville a déjà mis en place des mesures pour améliorer la qualité de l’air. Il s’agit, notamment, du lancement d’une zone 20 km favorisant la mobilité douce dans le centre-ville, de la poursuite du développement de l’offre de bus, de la « verdurisation » de la flotte de véhicules communaux, de l’aménagement d’infrastructures cyclo-piétonnes, des plantations, les parkings P+R, l’installation de bornes de rechargement électrique, de nouvelles places publiques, l’amélioration de la logistique urbaine ou encore de mesures ciblant le chauffage résidentiel.

À Eupen, pour diminuer la pollution atmosphérique, un plan de circulation adapté aux heures de pointe est privilégié.

Céline Tellier : « L’interdiction progressive des véhicules les plus polluants à l’échelle régionale est prévue à partir de 2023. L’étude menée ici apporte une réponse nuancée sur la pertinence d’instaurer des zones de basses émissions communales d’ici là. Une ZBE communale n’est efficace qu’à partir d’une certaine taille critique d’agglomération, comme l’a aussi démontré Bruxelles. D’autres mesures prises comme la mise en place par certaines communes et villes de zones partagées où la vitesse automobile est réduite à 20 km/h pourraient se montrer aussi pertinentes. Je souhaite pouvoir en mesurer les effets avec un réseau de mesures renforcé ».

Le rapport final de l’étude « 2ZBE » portant sur la pertinence de la mise en place de zones de basses émissions communales incluant l’ensemble des résultats et des conclusions de cette recherche, est disponible au téléchargement : https://www.issep.be/wp-content/uploads/Rapport_final_2ZBE.pdf